Nourrir un chien de grande race à croissance lente : tout ce qu’il faut savoir pour bien démarrer

Ce qui rend les grands chiots si uniques : Grandir autrement

Le chiot Berger Allemand, le Terre-Neuve ou le Dogue de Bordeaux, pour ne citer qu’eux, partagent une caractéristique fondamentale : leur croissance semble interminable comparée à celle des petits chiens. Un labrador, réputé pour être mature avant deux ans, aura encore une ossature en développement bien passé ses premiers anniversaires. La croissance lente des chiens de grande race (plus de 25 kg à l’âge adulte, selon la FEDIAF et l’AFSSA) s’étale souvent sur 15 à 24 mois, contre 8 à 10 mois pour la plupart des races de taille moyenne ou petite.

Cette période critique conditionne la santé du chien adulte : une alimentation inadaptée (trop riche ou déséquilibrée) pendant cette phase peut entraîner des troubles articulaires majeurs, comme la dysplasie de la hanche ou des coudes (NIH - PMC4807402).

Les enjeux de la nutrition chez les grands chiots

Nourrir un grand chien en pleine croissance, c’est accompagner ses os, ses muscles, ses organes et... son tempérament. Savoir répondre à chacun de ces besoins, c’est éviter les erreurs les plus courantes (WSAVA Global Nutrition Guidelines) :

  • Surcharger l’organisme en énergie et accélérer la croissance de façon artificielle
  • Créer des carences – ou excès – en calcium et phosphore, préjudiciables pour le squelette
  • Provoquer une prise de poids précoce et favorisant l’obésité

1. Les besoins énergétiques : moins qu'on ne croit

Un grand chiot grandit vite... trop vite parfois pour être raisonnable ! L’idée reçue voudrait qu’il ait besoin de montagnes de croquettes, mais c’est un piège. Une ration trop calorique provoque un gain de poids rapide, sollicitant articulations et ligaments encore fragiles. Un excès d’énergie au démarrage multiplie le risque d’anomalies de croissance articulaire (ostéochondrite, dysplasie, panostéite, etc.).

Selon la FEDIAF (Fédération Européenne de l’Industrie des Aliments pour Animaux Familiers), le besoin énergétique d’un chiot de grande race à croissance lente n’est que 10-20% supérieur à un adulte du même poids, alors qu’on penserait le contraire (FEDIAF Nutritional Guidelines 2021).

  • Un chiot adulte estimé à 40 kg : doit recevoir environ 180-200 kcal/kg poids métabolique et par jour entre 3 et 6 mois, puis la ration diminue progressivement jusqu’à l’âge adulte.
  • Objectif : Obtenir une croissance régulière, pas maximale.

Un suivi régulier de la courbe de croissance est un précieux allié : il existe d’ailleurs des courbes dédiées aux grandes races disponibles chez certains vétérinaires.

2. Le juste équilibre des protéines

Les protéines construisent le muscle, soutiennent le métabolisme et participent à l’immunité (American Veterinary Society of Animal Behavior). Mais là encore, gare à la surenchère : en croissance rapide, un excès de protéines ne fait qu’amplifier les déséquilibres caloriques.

  • Pour les chiots de grande race, un taux de 22 à 25 % de protéines brutes sur matière sèche est généralement préconisé (AAFCO, FEDIAF).
  • La qualité prime sur la quantité : source animale variée (poulet, poisson, agneau) bien assimilées.
  • Un taux supérieur à 30% n’offre aucun avantage démontré pour la croissance des grands chiots.

3. Calcium, phosphore et croissance osseuse : l’équilibre décisif

Rien ne nuit plus au squelette d’un grand chiot que les excès de calcium. Contrairement à ce que l’on s’imagine souvent, un apport exagéré perturbe la croissance harmonieuse des cartilages et peut entraîner des lésions irréversibles (NCBI - Calcium requirements in growing dogs).

MinMaxRecommandation (FEDIAF)
0,8 %1,2 %Apport de calcium / matière sèche
0,6 %1,0 %Apport de phosphore / matière sèche
Rapport Calcium/Phosphore : idéalement entre 1,2 et 1,5 / 1

Les compléments de minéraux sont à éviter sur une alimentation complète industrielle : un supplément n’est pertinent qu’en cas de ration ménagère et uniquement sur prescription vétérinaire nutritionniste.

L’importance de la vitamine D

La vitamine D module l’absorption intestinale du calcium. Les grands chiots sont plus sensibles à une déficience, mais l’excès reste toxique. La ration industrielle couvre ces besoins à condition de respecter les recommandations de dosage (FEDIAF : 500 à 1000 UI/kg de matière sèche).

4. Lipides et acides gras essentiels

L’apport en lipides mérite attention car c’est aussi une source d’énergie. On suggère un taux modéré : 8 à 15 % de lipides (AAFCO) pour éviter surpoids et troubles digestifs.

Les acides gras essentiels (oméga 3 et 6) apportent un bénéfice sur la qualité de la peau, renforcent la barrière cutanée et pourraient limiter certains phénomènes inflammatoires articulaires (Waltham Petcare Science Institute). Les croquettes pour chiots de grande race comportent généralement une supplémentation adaptée en huile de poisson ou huile de colza.

5. Micronutriments clés pour l’immunité et le développement

Certains nutriments sont de véritables alliés sur le plan articulaire et immunitaire :

  • Vitamine E et C : antioxydants naturels, soutien du système immunitaire
  • Cuivre, zinc, manganèse : participent à la minéralisation osseuse et à la réparation tissulaire
  • Chondroprotecteurs (glucosamine, chondroïtine) : parfois ajoutés dans l’alimentation, particulièrement chez les races fortement prédisposées à la dysplasie

Toute supplémentation est à discuter avec un professionnel, car l’excès ou le déséquilibre de minéraux n’est jamais bénéfique.

6. Fréquence et organisation des repas

Le fractionnement des repas aide à prévenir certains troubles digestifs (notamment la dilatation-torsion de l’estomac, urgence plus fréquente chez les grandes races comme le Dogue Allemand). On recommande généralement :

  • 3 à 4 repas par jour jusqu’à 6-7 mois
  • Puis 2 repas par jour jusqu'à l’âge adulte

Toujours à heure régulière et dans un environnement calme, pour encourager la mastication et la satiété.

7. Erreurs courantes et idées reçues à éviter

  • “Plus il mange, plus il sera grand et costaud” : Faux. La taille finale est génétiquement programmée. Seul le développement peut être perturbé et fragilisé.
  • Donner des os ou des restes de table : À bannir, car cela déséquilibre l’apport calcium/phosphore et augmente le risque digestif.
  • Changer fréquemment d’aliment : Les grands chiots nécessitent une stabilité digestive : tout changement devra être progressif (sur environ 10 jours).
  • Compléments alimentaires non prescrits : Mieux vaut un aliment premium adapté que des suppléments mal maîtrisés.

Comparatif : croquettes vs ration ménagère vs alimentation mixte

Chaque mode d’alimentation peut convenir, à condition de répondre aux besoins spécifiques évoqués plus haut. Voici un aperçu synthétique :

Type d’alimentation Avantages Points de vigilance
Croquettes “chiot grande race” Formulation stable, adaptée à la croissance, distribution simple, suivi facilité Variabilité de qualité, attention au marketing, privilégier les marques reconnues (Hill’s, Virbac, Royal Canin, Purina ProPlan…)
Ration ménagère (faite maison) Composition personnalisée, ingrédients connus Nécessite la supervision d’un vétérinaire-nutritionniste pour l’équilibre calcium-phosphore et vitamines/minéraux
Alimentation mixte Peut concilier praticité et fraîcheur Complexité d’équilibrage, risque de création de carences ou excès

Comment choisir le bon aliment ?

Face à une offre très vaste, quelques critères objectifs font la différence :

  • Étiquetage “chiot grande race” (large breed puppy) pour les croquettes industrielles
  • Présence du ratio calcium-phosphore adapté (voir plus haut)
  • Protéines entre 22-25%, lipides entre 8-15%
  • Marque avec transparence et profil nutritionnel complet (recherche d’avis indépendants)
  • Prise en compte des tendances du chiot : appétit, digestion, qualité du poil et du transit

Suivre la courbe de poids et la morphologie de son chiot : ses côtes doivent rester perceptibles sous une légère couche de graisse, ni “gonflé” ni maigre.

FAQ : réponses aux questions courantes sur l’alimentation des chiots de grande race

  • Peut-on donner un aliment “adulte” à un chiot de grande race ? Non. Les besoins en minéraux et en énergie ne sont pas couverts de la même façon. Un aliment “chiot grande race” reste incontournable jusque 15-18 mois minimum (parfois plus selon les races).
  • Combien d’eau doit-il boire ? La croissance génère beaucoup de déchets métaboliques : toujours de l’eau fraîche à volonté, surveillance renforcée lors des fortes chaleurs, après effort ou en cas de chaleur intérieure élevée.
  • Quand passer à l’aliment adulte ? Lorsque la croissance est terminée (repérable à la stabilisation du poids corporel et à l’évolution de la silhouette). Demander conseil à son vétérinaire si doute.

Préparer son compagnon à une croissance solide et pleine de vitalité

Adopter un chiot de grande race, c’est s’engager dans un parcours jalonné de choix déterminants. L’alimentation n’est jamais un paramètre à improviser : elle façonne la robustesse physique, la résistance aux maladies, l’équilibre émotionnel du futur adulte. Prendre le temps de comprendre les spécificités de la croissance lente des grands chiens, c’est leur offrir chaque chance d’échapper aux pièges de l’embonpoint, des boiteries précoces ou des carences invisibles.

Les vétérinaires nutritionnistes rappellent qu’aucune alimentation ne compense le facteur génétique ou les excès faits par méconnaissance. Mais une bonne gestion des besoins du chiot donne un avantage certain : une qualité de vie préservée pour des années de bonheur partagé.

Pour aller plus loin, la visite annuelle chez le vétérinaire permet d’ajuster la ration, d’évaluer la croissance osseuse au cas par cas et de prévenir les risques propres à chaque race. Parce qu’un grand chien heureux, c’est aussi un compagnon en pleine santé dont la jeunesse dure… aussi longtemps qu’on la nourrit bien.