Chiens et chats : des croquettes si différentes ? Ce qu’il faut vraiment savoir

Deux espèces, deux besoins nutritionnels fondamentaux

Les chiens et les chats partagent nos foyers, mais leurs besoins alimentaires n’ont, en réalité, que peu de points communs. La raison principale tient à leur évolution et à leur biologie : le chat est un carnivore strict tandis que le chien s’est adapté à une vie d’omnivore opportuniste.

Quelques chiffres marquants permettent d’appréhender cette différence : le chat consomme, à l’état naturel, jusqu’à 70 % de protéines animales dans son alimentation (source : European Pet Food Industry Federation, FEDIAF), tandis que le chien, moins exigeant, adapte son régime selon ses ressources disponibles.

  • Chats : Carnivores stricts | Besoin crucial de protéines, d'acides aminés (notamment Taurine), acides gras spécifiques, et vitamine A préformée.
  • Chiens : Omnivores opportunistes | Peuvent assimiler des protéines animales ET végétales, une variété de glucides et de vitamines synthétisées ou extraites des plantes.

Comparaison des compositions : ce que disent les étiquettes

Pour y voir plus clair, jetons un œil sur la typologie des croquettes proposées sur le marché. Un examen des étiquettes révèle des écarts parfois majeurs entre aliments pour chiens et aliments pour chats.

Composant Croquettes pour chats Croquettes pour chiens
Protéines brutes ≥ 30 % 18-28 %
Matières grasses 12-22 % 8-18 %
Glucides Souvent < 30 % Parfois > 40 %
Taurine Ajoutée obligatoirement Non obligatoire
Vitamine A (préformée) Ajoutée Souvent présente sous forme de provitamine (Bêta-carotène)
Arachidonique (acide gras) Indispensable Facultatif

Ces différences ne sont pas anodines : elles sont le reflet direct des besoins physiologiques de chaque espèce, et expliquent pourquoi il ne faut jamais intervertir leurs croquettes, même ponctuellement.

Pourquoi le taux de protéines est si important pour le chat ?

La nécessité de protéines plus élevées pour les chats résulte de leur métabolisme fortement orienté vers la dégradation des acides aminés. Un chat adulte requiert entre 5,2 et 6,5 g de protéines/kg de poids corporel/jour, alors qu’un chien n’en réclame que 2,5 à 3 g/kg/jour (source : National Research Council, 2006).

Le chat est en outre incapable de synthétiser certains acides aminés essentiels, dont la fameuse taurine, l’arginine, et la méthionine en quantité suffisante. La carence, même ponctuelle, provoque des troubles cardiaques (cardiomyopathie dilatée), des atteintes oculaires irréversibles, ou de l’amaigrissement.

  • La taurine doit impérativement être ajoutée dans toute croquette féline – absent des végétaux, et rapidement détruite à la cuisson.
  • Le chien la synthétise naturellement à partir d’autres acides aminés : son besoin d’apport par la nourriture est donc quasi nul.

Glucides, lipides, fibres : le métabolisme diffère

Les chats assimilent mal les glucides. Leur foie produit continuellement du glucose à partir des protéines (néoglucogenèse), et leur pancréas secrète peu d’amylase, l’enzyme digérant l’amidon (source : Veterinary Clinics of North America – Small Animal Practice, 2014).

  • Des croquettes trop riches en amidon (plus de 35-40 %) peuvent générer surpoids, prédisposition au diabète et troubles digestifs chez le chat.
  • Le chien dispose d’un équipement enzymatique plus performant, héritage de sa coévolution avec l’homme, qui cuisinait des aliments féculents. Il tolère mieux les glucides (jusqu’à 50 % de la ration pour certains aliments industriels).

Autre point de différence : la gestion des lipides. Les chats utilisent volontiers les graisses comme source d’énergie ; plusieurs croquettes félines proposent 12 à 22 % de matières grasses, contre 8 à 18 % pour la majorité des croquettes canines classiques.

Vitamines, minéraux & acides gras : des ajouts spécifiques

Certains micronutriments sont essentiels chez le chat, mais non chez le chien, ou vice versa. Trois exemples cruciaux :

  • Vitamine A : Le chat ne sait pas convertir les caroténoïdes des plantes en vitamine A active, à l’inverse du chien. Les croquettes félines doivent donc fournir la vitamine A sous forme préformée et directement assimilable.
  • Acide arachidonique : Il s’agit d’un acide gras oméga-6. Le chat en a besoin dans son alimentation, car son organisme ne sait pas le produire à partir des végétaux. Le chien, encore une fois plus flexible, le synthétise à partir d’autres graisses.
  • Niacine (Vitamine B3) : Le chat n’utilise pas le précurseur végétal (le tryptophane) au même rendement que le chien. Une quantité suffisante doit donc entrer dans sa ration sous forme directe.

En parallèle, certains additifs sont adaptés au mode de vie de l’animal : notamment l’apport de L-Carnitine chez le chat d’intérieur sujet au surpoids, ou de condroprotecteurs (glucosamine, chondroïtine) dans les croquettes pour grands chiens pour soutenir leurs articulations.

Risques liés à l’échange de croquettes : pourquoi il faut éviter ?

  • Donner des croquettes pour chien à un chat entraîne, à terme, des carences en taurine, en acides aminés et en vitamine A, avec un risque élevé de pathologies cardiaques, oculaires, ou de troubles neurologiques.
  • Donner des croquettes pour chat à un chien n’est pas idéal non plus : l’excès de graisses et de protéines peut surcharger les reins et le foie, notamment chez les chiens âgés ou sensibles. De plus, ces croquettes étant plus appétentes et riches, un surpoids est vite arrivé.

Selon une étude de l’ANSES de 2019, près de 15 % des propriétaires reconnaissent donner, ne serait-ce qu’occasionnellement, la nourriture de l’autre espèce à leur animal, par méconnaissance ou praticité. Les conséquences peuvent être insidieuses et mettre en jeu la santé sur le long terme.

Comment bien choisir ses croquettes ?

Le marché regorge de références et il n’est pas toujours simple de s’y retrouver. Néanmoins, quelques critères prioritaires permettent d’éviter les principaux écueils.

  1. Respect de l’espèce : Toujours choisir une alimentation spécifiquement formulée pour chats, ou pour chiens.
  2. Sources de protéines : Privilégier des croquettes dont la viande ou le poisson arrivent en tête de liste des ingrédients. Plus la part de protéines animales est élevée, mieux c’est, surtout pour le chat.
  3. Glucides maîtrisés : S’assurer que la proportion de céréales ou de féculents ne fait pas grimper le taux de glucides au-delà de 35 % chez le chat.
  4. Contrôle des additifs : Les croquettes doivent répondre aux besoins particuliers (taurine, vitamine A, acide arachidonique chez le chat ; condroprotecteurs chez certains chiens), selon les normes FEDIAF ou NRC.
  5. Adaptation à la physiologie : Prendre en compte l’âge, l’activité, la stérilisation, ou les antécédents de l’animal pour choisir des croquettes adaptées (croissance, maintien, senior, régime spécifique).

Pour une analyse éclairée, rien ne vaut le dialogue avec le vétérinaire, et l’observation régulière du poids, du pelage, de la digestion et du comportement de votre compagnon. Il est aussi crucial de faire évoluer l’alimentation selon les étapes de vie, tout en privilégiant gradualité et stabilité pour le transit intestinal.

Diversité du marché et perceptions des consommateurs

En 2023, selon le Syndicat des fabricants d'aliments préparés pour animaux familiers (FACCO), près de 90 % des foyers propriétaires de chats ou chiens utilisent majoritairement de l’alimentation industrielle (croquettes ou pâtées), avec un marché français de la croquette canine qui pèse environ 2,1 milliards d’euros, contre 1,3 milliard pour le chat.

On note aussi une progression de l’appétence des croquettes (les fabricants investissent beaucoup sur les arômes pour chats !), de la naturalité (recettes sans céréales, bio, ingrédients localisés) et le développement de gammes vétérinaires de plus en plus pointues.

Pourquoi ces différences comptent vraiment pour leur bien-être au quotidien

La distinction entre les croquettes pour chien et celles pour chat n’est pas un simple détail marketing : elle traduit des besoins nutritionnels essentiels et non interchangeables. Nourrir son animal avec l’aliment dédié, c’est lui donner la meilleure chance de vivre en forme longtemps, avec une énergie adaptée et un confort digestif optimal.

Au fil des années, l’évolution et la spécialisation de la nutrition animale ont permis de mieux protéger nos compagnons contre certaines maladies de carence, d’assurer leur croissance et de leur offrir parfois quelques années de vie de plus – à condition de faire les bons choix dès le départ.

Un dernier conseil : surveillez toujours la gamelle, lisez les étiquettes et n'hésitez pas à comparer les compositions, bien au-delà du simple prix ou du marketing. Offrir le bon aliment à la bonne espèce, c’est garantir à son compagnon un quotidien sain, équilibré… et une relation apaisée autour de la nourriture.

Sources : FEDIAF, National Research Council, ANSES, Veterinary Clinics of North America – Small Animal Practice, FACCO.